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Le maintien de l’ordre en France : doctrine démocratique, enjeux sécuritaires et mise à l’épreuve des droits fondamentaux

  • Photo du rédacteur: Alp Turgut
    Alp Turgut
  • 26 juin
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 6 oct.

Dans le cadre de deux stages réalisés respectivement à la ligue des droits de l'Homme et au ministère de l'Intérieur à la Direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (sous-direction de l'inspection et de la réglementation) et de mon année d'étude en Master 1 Géopolitique et relations internationales, j'ai pu réaliser un mémoire sur le maintien de l'ordre en France et mettre en lumière la dualité des enjeux sécuritaires et de respect des droits fondamentaux.


Celui-ci est téléchargeable ci-dessous.




Résumé :


Dans une démocratie libérale, le maintien de l’ordre public est l’un des points les plus sensibles de la mission régalienne de l'Etat de préserver l'ordre et celle d'assurer les droits fondamentaux. Longtemps pensé en France comme un instrument de régulation encadré par la légalité et la légitimité républicaine, il tend désormais à se recomposer autour d’impératifs sécuritaires, dans un contexte de conflictualité sociale accrue et de remise en cause du lien entre institutions et société. La doctrine française, fondée sur la centralisation, la dissuasion et une conception verticale de l’ordre public, semble montrer ses limites face à l’exigence croissante et évolutive de la société civile.


Le premier constat établie le bouleversement que les mutations contemporaines du maintien de l’ordre provoquent sur l’équilibre fragile entre efficacité policière et respect des droits. Trois dimensions principales structurent cette recomposition. D’abord, une transformation des moyens et des outils : généralisation des armes de force intermédiaire (LBD 40, GLI-F4,GM2L), usage accru des drones, retour des blindés, montée en puissance de la surveillance et des techniques de dissuasion. Ces dispositifs, justifiés au nom d’une conflictualité plus mobile, plus violente et moins lisible, redéfinissent en profondeur les conditions d’intervention sur le terrain.


Ensuite, un glissement progressif des doctrines et des pratiques, marqué par une hybridationdes fonctions judiciaires et administratives. L’interpellation préventive, la judiciarisation anticipée et les contrôles de masse modifient l’économie générale du droit à manifester. À ceslogiques s’ajoute une délégation croissante des missions de maintien de l’ordre à des unités non spécialisées (BAC, BRAV-M), souvent engagées dans un cadre flou, peu lisible pour les justiciables. Cette dilution de l’encadrement procédural contribue à une perte de lisibilité démocratique de l’action policière.


Finalement, ces changements entraînent d'importantes tensions liées à la légitimité. Scepticisme citoyen, critiques institutionnelles, litiges européens, actions associatives : les manifestationsde résistance à l'ordre public se diversifient et prennent une tournure politique. L'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme sur le droit de manifester est mis à mal par l'augmentation des restrictions administratives, le recours excessif et disproportionné à la forceet les lacunes dans les dispositifs de contrôle. À l'inverse, les approches françaises secaractérisent par un éloignement grandissant des modèles européens axés sur la désescalade, le dialogue et la différenciation. Le modèle KFCD et les expériences des démocraties libérales européennes voisines illustrent une perspective différente de la gestion des foules, privilégiant plutôt la sauvegarde active de l'espace démocratique que l'atténuation des risques.


L’enjeu est clair : il ne s’agit pas seulement d’adapter des doctrines ou d’optimiser des dispositifs, mais de réinterroger les fondements mêmes de la légitimité de l’usage de la force dans un régime démocratique. La réponse à cette interrogation engage le cœur du contrat social contemporain, entre sécurité, liberté et justice.

Alp Turgut 1er mai 2023 maintien de l'ordre



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