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- Le traitement médiatique du conflit israélo-palestinien en France
Télécharger le PDF ci-dessous : Depuis le 7 octobre 2023, la couverture du conflit israélo-palestinien qu’on retrouve actuellement sous le nom de « guerre Israël-Hamas » dans les médias est prédominant. Le conflit existe depuis sept décennies déjà, mais le traitement médiatique du sujet n’a jamaisautant été contesté. L’avant 7 octobre – un conflit sans histoire La revue des médias de l’INA le rappelle, « Avant l’attaque du Hamas, le conflit israélo-palestinien avait presque disparu des JT ». Le présentisme des médias fait défaut à la compréhension du conflit et fait l’objet d’un défaut de traitement médiatique. Du 1er janvier au 6 octobre, France 2 accorde 33 secondes de temps de parole aux Palestiniens. L’ Acrimed reprend un terme qu’il évoquait dès 2021, le « syndrome de Tom et Jerry » pour désigner l’absence de contexte et de cadre pour la réflexion du spectateur sur le conflit. Le cadrage même du conflit titré « Israël-Hamas » dans les médias, déshistoricise le conflit israélo-palestinien. Des moyens efficaces pour imposer un récit « Rien n’est plus monstrueux que de vouloir expliquer la barbarie ». déclarait Raphaël Enthoven sur Europe 1 le 10 octobre 2023. La première réaction des médias était de condamner l’attaque terroriste du Hamas et imposer le récit israélien. Les qualificatifs de « combattants » du Hamas ont très rapidement laissé place aux termes de « barbares » et « terroristes » ; lorsqu’Adeline François, présentatrice de l’émission 7 minutes sur BFM TV cite que l’armée israélienne a « retrouvé » (pas tuer) 1500 corps de soldats/combattants du Hamas, le porte-parole de Tsahal Olivier Rafowicz la reprend : « On n'a pas dit des combattants du Hamas. Quelqu'un qui tue des enfants, qui décapitent des femmes, c'est pas un combattant, c'est un assassin et un meurtrie r ». LinkedIn , Julien Bahloul, août 2022 Ces récits se sont facilement imposés en France, notamment sur le plateau de BFM TV , dirigé à l’époque par Patrick Drahi, détenteur également d’ i24news , chaîne d’information présenté par Drahi comme ouvertement sioniste et critiquée pour ses prises de positions. Les bureaux d’ i24news à Paris sont à côté de celles de BFM TV [1] et facilitent l’échange d’intervenants et experts comme Julien Bahloul, journaliste à i24news , invité sur les plateaux de BFM , tantôt comme spécialiste de la société israélienne et tantôt comme simple résidant de Tel-Aviv. BFM oublie (toujours) de rappeler que Julien Bahloul est un ancien porte-parole et ex-community manager de Tsahal. Ce dernier s’applique à comparer le 7 octobre aux attentats de Paris, la société française pouvant alors s’identifier à son récit des horreurs dont a été victime Israël. Le cadrage justifiant la « riposte » BFM , France Culture , Ouest France , TF1 , tous titrent la « riposte d’Israël » pour désigner les actions d’Israël dans la bande de Gaza dès le 9 octobre 2023. Le champ lexical est celui des « représailles », « contre-offensive », « réplique ». Encore le 9 février 2024 on entendait à France Info « Israël intensifie ses frappes sur Rafah en riposte aux attentats du Hamas le 7 octobre dernier ». L’invisibilité des Palestiniens « Pour défendre la paix il faut d’abord reconnaître qu’une vie vaut une vie ». La tribune publiée dans le journal Le Monde dénonçait dès le 16 octobre 2023 le deux poids deux mesures chez les politiques et dans le traitement médiatique. Bertrand Badie, signataire de cette tribune, évoque chez Mediapart le 19 octobre 2023 dans l’émission « à l’air libre » avoir eu du mal à trouver dans les médias français des images ou des récits qui permettraient aux spectateurs de partager également la douleur des Palestiniens. Les images des débris et ruines de la bande de Gaza ne laissent pas paraître les visages et récits des victimes. Quant à la médiatisation, celle-ci recule drastiquement. Acrimed , Israël-Palestine, le 7 octobre et après (3) : invisibilisation de Gaza et déshumanisation des Palestiniens Une partie des médias expliquent cette invisibilité par l’intérêt des Français pour le sujet : « Historiquement, 20 Minutes a toujours été présent sur l’actualité internationale. Dès le début des conflits, nous avons ouvert des lives pour permettre à nos lecteurs d’avoir accès à l’information en temps réel […] au fil du temps, le live Israël-Hamas est devenu répétitif et il y avait moins d’infos à transmettre. Nous avons donc arrêté le live le 12 janvier dernier ». explique la directrice de la rédaction de 20 Minutes, Fanny Annoot-Oualia. Cet argument est discutable à plusieurs égards. L’analyse de Google Trends met en évidence un intérêt toujours important pour la société française du conflit depuis l’hiver 2023. De plus, La revue des médias de l’ INA , relève que les téléspectateurs sont nombreux (deux fois qu’en temps de non-crise), autant que lors du COVID, à interpeller les médiateurs des groupes TF1 et France Télévisions. Il est reproché un « traitement orienté du conflit », ou encore une invisibilité des civils et même des otages, également victimes de cette guerre. Déshumanisation Le média The intercept fait une typologie des termes employés pour désigner le sort des neutres impliqués dans le conflit : The term “slaughter” was used by editors and reporters to describe the killing of Israelis versus Palestinians 60 to 1, and “massacre” was used to describe the killing of Israelis versus Palestinians 125 to 2. “Horrific” was used to describe the killing of Israelis versus Palestinians 36 to 4. Les grands absents de la télévision Celia Chirol, doctorante en sociologie, analyse du 8 au 14 janvier 2024 les JT de de TF1, de France 2 et de M6 pour voir le traitement médiatique des Palestiniens. Elle dénombre 29 secondes pour 20JT : 5 secondes sur TF1, 10 secondes sur M6 et 14 secondes pour France 2. Parallèlement, le 11 janvier, France 2 va diffuser un sujet sur le bombardement russe d'un hôtel en Ukraine. Il n'a fait aucun mort, mais la chaîne va s'y attarder pendant 3 minutes. Arrêt sur l’image a réitéré l’expérience de Célia Chirol, du 4 au 15 février 2024 en visionnant 46 JT de TF1 et de France 2 (30h d’antenne) et comptabilise 5 minutes pour les Gazaouis. La période couverte par Célia Chirol comprenait l’examen de la plainte inédite de l’Afrique du Sud contre Israël pour violation de la Convention pour la prévention et la répression du génocide par la Cour Pénale Internationale, absente également de tous ces JT français. A l’étranger, L’événement a été néanmoins diffusé sur CNN ou Fox News , la plaidoirie sud-africaine n'a pas été retransmise sur la BBC et SkyNews le 11 janvier. Mais celle d'Israël a fait l'objet d'une diffusion en direct sur les deux chaînes. Le manque de fixeurs et de journalistes sur le terrain est la raison la plus avancée par les JT pour expliquer le manque de couverture : « La couverture de Gaza par France 2 est rendue extrêmement complexe par l’absence de nos équipes du terrain. » explique Étienne Leenhardt, rédacteur en chef à France Télévisions . Igor Sahiri, journaliste pour BFM dénonce l’interdiction de Tsahal de laisser passer les journalistes pour des raisons de sécurité. Reporters sans frontières dénombrait en un an de conflit près de 130 morts de journalistes dans la bande de Gaza. Les politiques, arbitres du traitement médiatique Outre le porte-parole de Tsahal Olivier Ratowicz qui félicite BFM du traitement médiatique le 6 octobre 2024, le pouvoir israélien et la société civile font office de relais ou de censure. L’ambassade d’Israël et le Crif tentaient déjà en 2018 de censurer l’épisode du 11 octobre d’ Envoyé spécial. Gaza, une jeunesse estropiée . L’ambassade organisait même des projections des massacres du 7 octobre dans les différentes capitales du monde et Olivier Tesquet rapporte dans Télérama le 8 novembre 2023 que Naftali Bennett, ex-Premier ministre d’Israël, inquiet de voir les réseaux sociaux pallier le manque de contenu « propalestinien » dans les médias traditionnels, a annoncé partir en « tournée d’information politique » aux Etats-Unis où des projections privées y sont également prévues. Un traitement occidental ? Pascal Boniface, directeur de l’Iris , résume la couverture médiatique du conflit israélo-palestinien en quelques mots : « La France est dans le camp occidental, et Israël en fait partie ; et cela se voit sur le plan médiatique ». Chaque mot et chaque terme employé sont scrutés à la loupe, les acteurs de la propagande, des deux côtés, étant prompts à faire feu de tout bois. Il n’est pas étonnant de voir pour la première fois dans un grand format sur France 2 les victimes de Tsahal lorsque le conflit s’étend au Liban dont la société française se sent plus proche. Il n’est pas non plus anodin de voir ressurgir dans ce même grand format les termes de « frappes précises » pour qualifier les frappes de Tsahal, faisant écho aux frappes « chirurgicales » lors de la guerre en Irak alors qu’il n’est pas fait mention du carpet bombing ou que des tournures de phrases comme « des frappes se sont abattues » invisibilisent dès lors l’armée israélienne, auteure de ces frappes. Les alternatives Comme brièvement mentionné, les réseaux sociaux se font l’écho des voix palestiniennes. Canard réfractaire sur YouTube revient sur le traitement médiatique des violences autour des supporters du club sportif Maccabi Tel Aviv à Amsterdam, offrant plus de contexte que Sky News ou les médias français dont le récit évoluait à chaque heure. Sur Instagram, le compte @ Eyes_on_Palestine , la journaliste amatrice Bisan Owda ou d’autres civils palestiniens filment leur vie depuis le 7 octobre 2023. Des images que l’on ne voit pas à la télévision, que l’on ne mentionne pas dans les journaux, ni à la radio. Notes de bas de pages [1] Le journal Blast donnait un écho le 3 novembre 2023 aux alertes lancées par la rédaction de BFM contre une couverture « pro-israélienne » : ‘’La couverture du Proche-Orient […] a été transféré à i24’’.
- Le maintien de l’ordre en France : doctrine démocratique, enjeux sécuritaires et mise à l’épreuve des droits fondamentaux
Dans le cadre de deux stages réalisés respectivement à la ligue des droits de l'Homme et au ministère de l'Intérieur à la Direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (sous-direction de l'inspection et de la réglementation) et de mon année d'étude en Master 1 Géopolitique et relations internationales, j'ai pu réaliser un mémoire sur le maintien de l'ordre en France et mettre en lumière la dualité des enjeux sécuritaires et de respect des droits fondamentaux. Celui-ci est téléchargeable ci-dessous. Résumé : Dans une démocratie libérale, le maintien de l’ordre public est l’un des points les plus sensibles de la mission régalienne de l'Etat de préserver l'ordre et celle d'assurer les droits fondamentaux. Longtemps pensé en France comme un instrument de régulation encadré par la légalité et la légitimité républicaine, il tend désormais à se recomposer autour d’impératifs sécuritaires, dans un contexte de conflictualité sociale accrue et de remise en cause du lien entre institutions et société. La doctrine française, fondée sur la centralisation, la dissuasion et une conception verticale de l’ordre public, semble montrer ses limites face à l’exigence croissante et évolutive de la société civile. Le premier constat établie le bouleversement que les mutations contemporaines du maintien de l’ordre provoquent sur l’équilibre fragile entre efficacité policière et respect des droits. Trois dimensions principales structurent cette recomposition. D’abord, une transformation des moyens et des outils : généralisation des armes de force intermédiaire (LBD 40, GLI-F4,GM2L), usage accru des drones, retour des blindés, montée en puissance de la surveillance et des techniques de dissuasion. Ces dispositifs, justifiés au nom d’une conflictualité plus mobile, plus violente et moins lisible, redéfinissent en profondeur les conditions d’intervention sur le terrain. Ensuite, un glissement progressif des doctrines et des pratiques, marqué par une hybridationdes fonctions judiciaires et administratives. L’interpellation préventive, la judiciarisation anticipée et les contrôles de masse modifient l’économie générale du droit à manifester. À ceslogiques s’ajoute une délégation croissante des missions de maintien de l’ordre à des unités non spécialisées (BAC, BRAV-M), souvent engagées dans un cadre flou, peu lisible pour les justiciables. Cette dilution de l’encadrement procédural contribue à une perte de lisibilité démocratique de l’action policière. Finalement, ces changements entraînent d'importantes tensions liées à la légitimité. Scepticisme citoyen, critiques institutionnelles, litiges européens, actions associatives : les manifestationsde résistance à l'ordre public se diversifient et prennent une tournure politique. L'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme sur le droit de manifester est mis à mal par l'augmentation des restrictions administratives, le recours excessif et disproportionné à la forceet les lacunes dans les dispositifs de contrôle. À l'inverse, les approches françaises secaractérisent par un éloignement grandissant des modèles européens axés sur la désescalade, le dialogue et la différenciation. Le modèle KFCD et les expériences des démocraties libérales européennes voisines illustrent une perspective différente de la gestion des foules, privilégiant plutôt la sauvegarde active de l'espace démocratique que l'atténuation des risques. L’enjeu est clair : il ne s’agit pas seulement d’adapter des doctrines ou d’optimiser des dispositifs, mais de réinterroger les fondements mêmes de la légitimité de l’usage de la force dans un régime démocratique. La réponse à cette interrogation engage le cœur du contrat social contemporain, entre sécurité, liberté et justice.
- Chypre, un pays divisé depuis plus de cinquante ans
Télécharger le PDF ci-dessous : Cette année nous observons la cinquantième année de séparation de l’île de Chypre en deux. Cette île de 9251km² est à la croisée des chemins, mais aussi des convoitises. La situation géographique et l’héritage historique de l’île méditerranéenne ont placé cette dernière dans un processus d’autodétermination à l’issue encore incertaine aujourd’hui. Indépendance, Enosis , Taksim , intégration à l’Union européenne et toujours cette « Ligne verte », véritable frontière terrestre pour une République insulaire. Il convient pour nous d’étudier, à partir de l’évolution de cette frontière et de ses aboutissants, les éléments formant la singularité de Chypre et de ses frontières. Dans quelles mesures l’île chypriote est-elle le théâtre des affrontements de différentes représentations de la frontière ? I - Une frontière par les Turcs, pour les Turcs ? 1. Une démarcation légitimée par l’ethnie AFP , Amir MAKAR : avec écrit : « Ne mutlu türküm diyene » - Comme il est heureux celui qui se dit Turc. C’est avec l’arrivée de l’armée turque en 1974 sur l’île au nom de la protection de la minorité turcophone musulmane que l’île se scinde en deux. L’accord de cessez-le-feu de l’ONU et la création de la zone tampon vont donner forme à la frontière comme ligne de front. Les échanges de populations vont accentuer la séparation des communautés dans les deux parties respectives de l’île. Ainsi, depuis cette période, on fait perdurer une séparation physique entre deux communautés, les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs qui cohabitaient auparavant. Encore aujourd’hui la présence turque est très visible. En plus de la population autochtone, la Turquie incite des colons anatoliens à s’installer dans la partie Nord de l’île qu’elle contrôle. En 1983, la République turque de Chypre du Nord (RTCN) est autoproclamée. Celle-ci ne bénéficie de la reconnaissance d’aucun autre Etat que la Turquie et plonge la partie nord dans un isolationnisme. L’armée occupe toujours 37% de l’île et aucun passage de l’autre côté de la frontière n’est possible. C’est au nord de Nicosie que la démonstration symbolique de la présence politique est la plus évidente. Deux drapeaux, d’une superficie égale à celle de stades de football dominent la ville et rappellent aux chypriotes grecs la présence du pouvoir politique de la communauté turcophone. L’un est visible le jour, l’autre s’éclaire la nuit, ainsi personne ne peut les ignorer car ils sont visibles de très loin 24 heures sur 24 et bien orientés vers le sud. 2. La domination d’un (grand) frère sur l’autre Puzzle pour enfants : Türkiye Haritası, Anatolian, 3793 La domination de la Turquie sur la RTCN n’est pas qu’économique ou politique. La représentation de la ligne Attila est le point central de la reconnaissance de la scission Nord Sud de l’île que met en avant la Turquie pour servir ses propres intérêts. Dans ce cadre-là, la Turquie s’inscrit dans une stratégie similaire à celle de la Russie avec les territoires ukrainiens. Des représentations cartographiques de la Turquie incluent dans son propre territoire la RTCN, ce qui lui permet de faire exister une frontière qui n’est pas visible ou contestée par l’Union européenne (UE) et la République de Chypre. II - Le chemin (difficile) du « debordering » 1. La présence onusienne – moteur ou frein de la réouverture ? Depuis l’invasion de 1974, la force de maintien de la paix de l’ONU (UNFICYP) forme une zone tampon entre l’occupant du Nord et le Sud. Philippe Achilléas revient sur la formation de la ligne verte représentée par la présence onusienne. Cette ligne discontinue serpente entre villages chypriotes grecs et chypriotes turcs. L’enclave de Kokkina/Erenköy à titre d’exemple est un héritage de ces combats de 1964 à 1974 entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs. Elle est inaccessible pour les civils du Sud il est nécessaire de la contourner ce qui rallonge les temps de trajets dans cette région. Ainsi, les trajets entre Pomos et Kato Pyrgos ou Dali et Atheniou (villages en République de Chypre) se voient rallongés par des détours dus à la zone tampon de l’UNFICYP s’étendant sur 3% de l’île. © Alexandra Novosseloff, 2021 Cette présence est parfois remise en question tant par la RTCN qui s’appuie sur la nécessité de consentement que nécessite cette mission de maintien de la paix de l’ONU selon le chapitre VI de la Charte, qui nécessite aujourd’hui dans les faits celui de l’unique Etat reconnu de l’île, la République de Chypre. Aussi, les manifestations devant le Ledra palace, QG de l’UNFICYP, avant et dès l’ouverture de la frontière le 23 avril 2003, sont le symbole d’une contestation contre cette présence qui est vue de certains comme un frein à l’ouverture, marquant la matérialité de la frontière. Cette frontière qui était jusque-là un no man’s land pour les civils des deux parts de l’île, voit depuis 2003 un premier élan de debordering . 2. L’élargissement de l’UE – première ouverture de la frontière Si l’ouverture de la frontière par la RTCN avait pour objectif de mettre en avant son aspect protecteur pour les populations turcophones du Nord, l’intégration de Chypre à l’ONU accentue les aspirations d’ouverture et de libre circulation. Le debordering est confirmé par les ouvertures progressives de nouveaux points de passage et checkpoints à l’instar de celui non loin de Lefka où l’on voit des célébrations et réjouissance de cette ouverture. Euronews , Chypre ouvre deux nouveaux points de passage Cette ouverture était auparavant inimaginable car la RTCN avait pour stratégie de marquer sa souveraineté par l’immobilisme et l’imperméabilité de sa frontière tandis que la République de Chypre interdisait son passage à sa population afin de ne pas légitimer le contrôle douanier opéré au niveau de la ligne verte. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères français informe les ressortissants français de la particularité de l’île où malgré son intégration totale à l’UE de jure , la juridiction de cette dernière s’étend de facto sur le territoire de la République de Chypre uniquement. Malgré la non-reconnaissance internationale qui interdit aux douaniers de la RTCN de tamponner les passeports des civils traversant la frontière, une pièce d’identité est obligatoire pour la passer, comme le montre le JT de TF1. 3. Une nouvelle route migratoire mettant en lumière les rapports à la frontière La proximité de Chypre à la côte méditerranéenne la rend, depuis son intégration à l’UE, un nouvel objectif pour les migrants. Certains tentent de traverser la mer depuis le Liban ou la Syrie, d’autres prennent l’avion depuis Istanbul pour se rendre directement sur l’île dans la partie Nord guère vigilante à ce sujet de l’immigration. La République de Chypre n’est également pas très regardante sur la question migratoire car la mise en place de contrôles à la frontière signifierait qu’elle reconnaîtrait son existence. Ainsi, la Ligne verte, à la différence des autres frontières extérieures, n’est pas une frontière anti-migration mais une frontière étatique pour la RTCN et « rien du tout » pour la République de Chypre qui reconnaît comme unique frontière la mer (outre les bases militaires britanniques). De nombreux camps de réfugiés comme celui de Pournara accueillent les migrants demandeurs d’asile. III – La mise en tourisme de la frontière 1. Une frontière figée dans le temps © Jérome Lageiste, 2011, Sacs de sable à Nicosie Dans leur article, Lageiste et Moullé mettent en avant les débris et barricades des frontières construites par les Chypriotes. Dans le JT de TF1 ou la photographie ci-contre, de nombreuses ruelles de Nicosie se terminent en impasse en raison des résidus des combats et oppositions dont la capitale de l’île conserve les traces, comme pour commémorer les dissensions ayant coulé tant de sang. 2. Un tourisme enracinant la frontière © Jérome Lageiste, 2011, ville fantôme de Varosia Dans la même idée que Lageiste et Moullé, ces restes de frontières sont source de tourisme note Marie Pouillès Garonzi. Il est mention ici d’une frontière comme attrait touristique selon Pierric Calenge qui attire un tourisme bien particulier : tourisme d’urbex ou thanatourisme. Il est fréquent de se voir proposer des attractions touristiques autour du franchissement de la zone tampon ou d’approcher la ville fantôme de Varosha/Maras par la mer sur un petit bateau de croisière. IV – La lutte des imaginaires de la frontière 1. Une frontière de mémoire Deux mémoires s’affrontent dans cette frontière de la Ligne verte. Si certaines représentations de partis nationalistes revendiquent le devoir de mémoire d’un peuple victime de persécutions, le village de Pyla, unique village intercommunautaire de l’île, situé dans la zone tampon même est un symbole d’espoir pour ces deux peuples qui auparavant cohabitaient. Chloé Emmanouilidis met en avant dans son article le caractère certes singulier mais admirable de ce village 2. Berlin épisode n°2 ? © Marie Pouillès Garonzi, 2018. Œuvre de street-art près de la Ligne Verte à Nicosie Sud, appelant à « détruire le mur » Nicosie est la dernière capitale d’Europe encore coupée en deux par un mur, ici la zone tampon de l’ONU formant la Ligne verte. Les références au mur de Berlin et un destin similaire marquent de nombreux esprits des locaux et associations comme Unite Cyprus now. Les tags, œuvres d’art, événements et même nom de restaurant vont dans ce sens d’une future réunion en construction. Conclusion La frontière de Chypre est une frontière tantôt souveraine d’un Etat selon une représentation turque, marquée d’intérêts économiques, stratégiques et culturels, tantôt un statut juridique nul, à ignorer, mais symbole d’une mémoire à commémorer. Le debordering progressif de la frontière, dont l’évolution est visible par sa matérialité n’est pas sans paradoxes et difficultés. Le tourisme et la reconnaissance inévitable d’un statut de frontière ont tendance à normaliser celle-ci et certains projets politiques à s’appuyer dessus. La réouverture progressive après la pandémie du Covid des points de passage fermés de 2021 à 2023 est le signe d’une frontière qui conserve encore aujourd’hui une marche vers une ouverture totale et pérenne encore lointaine mais non inatteignable. Bibliographie et annexes Disponibles au sein du fichier PDF ci-dessus.
- Le Haut-Karabagh au cœur du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
Télécharger le PDF ci-dessous : Auteurs : ABBAS TERKI Manyl, ADNASSY Yahia, METRAL Marguerite, TURGUT Alp Le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan autour du Haut-Karabagh est une des disputes territoriales les plus complexes et les plus anciennes du Caucase. Cette région, peuplée majoritairement d’Arméniens mais située à l'intérieur des frontières de l’Azerbaïdjan, est au cœur de tensions remontant à l’ère soviétique. Ainsi afin de mieux comprendre ce conflit nous nous poserons la problématique suivante : Dans quelles mesures le Haut karabagh est-il devenu le théâtre d’affrontements des intérêts stratégiques des puissances régionales, synonyme d’échec pour les instances internationales garantes de la sécurité et de la paix ? I. Héritages historiques et tensions persistantes : A. Le Haut-Karabagh : un territoire disputé Le Haut-Karabagh, région montagneuse située au sud-ouest de l’Azerbaïdjan, incarne les rivalités entre Arméniens et Azerbaïdjanais, exacerbées par des siècles de contrôle perse, ottoman et russe. Majoritairement peuplé d’Arméniens orthodoxes, le territoire a également abrité une mosaïque ethnique, incluant des Azéris chiites. Ces tensions se sont cristallisées au XIXᵉ siècle avec l’annexion russe et la réinstallation massive d’Arméniens, accentuant les clivages avec les Azéris. En 1921, sous Staline, le Haut-Karabagh, bien que peuplé à 94 % d’Arméniens, fut intégré à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan avec un statut d’autonomie [ 1 ] . La politique soviétique du “ divide and rule ” visait à diviser pour mieux régner, maintenant une paix précaire mais nourrissant des tensions latentes [ 2 ] . Les Arméniens du Karabagh dénonçaient des politiques de colonisation azérie et d’expulsions. Ces tensions refirent surface avec la chute de l’URSS. B. Conflits récents : de la guerre des années 1990 à aujourd’hui Effondrement de l’URSS et première guerre (1988-1994) Les réformes de Gorbatchev ( glasnost et perestroïka ) permirent l’émergence de mouvements nationalistes. En 1988, les Arméniens du Karabagh revendiquèrent leur rattachement à l’Arménie, perçu comme une menace par l’Azerbaïdjan. Après l’effondrement soviétique, la région proclama son indépendance en 1991, déclenchant une guerre sanglante (1992-1994). Malgré des forces limitées, l’Arménie, soutenue par sa diaspora, triompha grâce à une meilleure stratégie et au terrain montagneux. Les Arméniens contrôlèrent non seulement le Haut-Karabagh, mais aussi sept districts adjacents, provoquant le déplacement de centaines de milliers d’Azéris. En 1994, un cessez-le-feu négocié par la Russie laissa le conflit gelé, mais la militarisation progressive de l’Azerbaïdjan prépara de nouvelles hostilités. Seconde guerre (2020) : Entre 1994 et 2020, l’Azerbaïdjan investit massivement dans sa défense, notamment grâce à ses revenus pétroliers. En 2020, son budget militaire (2,3 milliards de dollars) dépassait largement celui de l’Arménie (634 millions[ 3 ]). L’Azerbaïdjan bénéficia aussi d’alliances stratégiques avec la Turquie et Israël, acquérant des drones et des systèmes d’artillerie modernes. En septembre 2020, l’Azerbaïdjan lança une offensive décisive. L’usage intensif de drones permit de surmonter les défenses arméniennes. Après 44 jours de combats, le cessez-le-feu négocié par la Russie permit à l’Azerbaïdjan de récupérer des territoires stratégiques, dont la ville clé de Choucha, infligeant une défaite majeure à l’Arménie. Nouvelle escalade en 2023 : Après 2020, l’Azerbaïdjan poursuivit sa stratégie militaire. Entre décembre 2022 et septembre 2023, un blocus du corridor de Latchine isola le Haut-Karabagh, provoquant une crise humanitaire. En septembre 2023, une offensive azérie entraîna la dépopulation massive des Arméniens, qualifiée de nettoyage ethnique par de nombreux observateurs. Affaiblie par la défaite de 2020 et diplomatiquement isolée, l’Arménie ne put répondre. La Russie, accaparée par la guerre en Ukraine, laissa la Turquie et l’Azerbaïdjan accroître leur influence dans la région. II. Un conflit régional sous influence globale A. Russie : le rôle d’un arbitre ambigu Lien historiques et stratégiques entre la Russie et l’Arménie : Après l’effondrement de l’URSS, l’Arménie nouvellement indépendante, décide de se tourner vers la Russie pour garantir sa sécurité dans la région. Cette alliance a été renforcée par des accords stratégiques comme l’adhésion de l’Arménie à l’OTSC qui regroupe des républiques fraîchement indépendantes, s’assurant de bénéficier d’une protection Russe pour perdurer. Cette idée s’illustre également par la présence de bases militaires russes en Arménie telles que celle de Gyumri. Après la victoire arménienne de 1994 contre l’Azerbaïdjan, ayant permis à l’Arménie de reprendre une grande partie du Haut-Karabakh, les liens avec la Russie sont devenus cruciaux. Les Arméniens considéraient Moscou comme un protecteur indispensable face aux potentielles ambitions de l’Azerbaïdjan de reprendre ce territoire. Ainsi, durant cette période, la Russie a joué un rôle clé en fournissant un soutien militaire et diplomatique à Erevan, ce qui a permis à l’Arménie de maintenir sa position dans le Haut-Karabakh. Néanmoins, cette dépendance a également été un point de vulnérabilité. Durant toute cette période, l’Arménie ne s’est reposée que sur cet appui Russe au lieu de diversifier ses alliances et de renforcer sa capacité de défense de manière autonome. Ce choix stratégique a fini par peser lourd lorsque les dynamiques géopolitiques ont évolué. Les relations pragmatiques avec l'Azerbaïdjan : énergie et diplomatie : En parallèle de ses liens avec l’Arménie, la Russie a adopté une approche pragmatique vis-à-vis de l’Azerbaïdjan. Riche en hydrocarbures, l’Azerbaïdjan représente pour Moscou un partenaire économique crucial. En cultivant des liens avec Bakou, Moscou s’est assurée de maintenir son influence dans le Caucase tout en évitant que l’Azerbaïdjan ne bascule complètement dans le camp occidental ou turc. Cette double stratégie illustre les intérêts conflictuels de la Russie qui cherche à préserver un équilibre dans la région pour maximiser son contrôle. Dégradation relations russo-arménienne impacté par la révolution de 2018 : Par la suite, un tournant décisif dans les relations entre la Russie et l’Arménie s’est produit en 2018 avec l’arrivée au pouvoir de Nikol Pachinian. Ayant bénéficié d’un financement important de la part d’organisations occidentales, cette montée au pouvoir a entrainé un refroidissement notable des relations avec Moscou. Voyant son influence diminuer, la Russie a choisi de s’éloigner de l’Arménie et de renforcer ses liens avec des acteurs rivaux comme la Turquie et l’Azerbaïdjan. Ce revirement s’est alors fait au détriment de l’Arstsakh, avec une Arménie isolée sur la scène internationale, sans le soutien ferme de son allié traditionnel. B. La Turquie : un allié indéfectible de l’Azerbaïdjan La Turquie a fermé unilatéralement ses frontières avec l’Arménie depuis 1993 en conditionnant la normalisation de ses relations avec Erevan à un retrait des forces arméniennes du Karabakh. En 2020, les armées turque et azérie menaient des exercices militaires dans la région du Nakhitchevan, enclave azérie aux abords du Haut-Karabakh. Lors de la 2ème guerre du Haut-Karabakh, la Turquie envoie également du matériel et des formateurs militaires ou encore des opérateurs de drones, ces derniers jouent un rôle notable dans cette guerre. Lors de cette guerre, l’Azerbaïdjan prenait soin d’éviter de frapper le territoire de la république d’Arménie, afin d’éviter toute représaille de la part de la Russie. Aussi, l’armée azérie était soutenue aussi par plusieurs milliers de mercenaires libyens ou syriens proturcs, qui transitaient par Gaziantep en Turquie avant de rejoindre le territoire azerbaïdjanais[ 4 ]. L’implication turc s’inscrit dans le panturquisme. Le président Erdogan a multiplié les déclarations de soutien à son « frère » azerbaïdjanais au nom du principe « deux Etats, une nation ». Ankara se réjouit également d’avoir obtenu de Bakou la création d’un couloir via le territoire arménien reliant l’Azerbaïdjan au Nakhitchevan, frontalier de la Turquie, accomplissant ainsi le rêve panturc d’obtenir une continuité géographique du Bosphore à l’Asie centrale qu’ils ont baptisé “corridor de Zangezur”. Ils prévoient également un gazoduc de 85 km entre l'est de la Turquie et le Nakhitchevan et la construction d'un complexe militaire. La Turquie participe pour la première fois depuis sa création au règlement d’un conflit dans le Caucase du Sud et élargit ainsi son influence sur son pourtour. Sur instruction du président Erdogan, le Parlement turc s’est prononcé en faveur de l’envoi pour un an d’un contingent de la paix en Azerbaïdjan et souhaiterait obtenir la création d’un centre indépendant d’observation de la paix sur le territoire azerbaïdjanais– sans préciser exactement où– ce qui constitue une lecture unilatérale de l’accord de cessez-le-feu. Cet appétit suscite de fortes inquiétudes en Russie et en Occident. C. Les positions et l’influence de l’UE, des États Unis, Israël et l’Iran dans ce conflit UE et ses ambitions énergétiques : Lors des attaques de l’Azerbaïdjan contre le Haut-Karabakh en 2020, l’Union européenne a adopté une posture globalement prudente et divisée. Si certaines nations comme la France ont exprimé des positions fortes en faveur de l’Arménie, d’autres membres de l’UE ont maintenu une approche plus mesurée. L’UE a principalement appelé au dialogue et au respect des principes de médiation portés par le Groupe de Minsk de l’OSCE. Cette neutralité s’explique en partie par les intérêts stratégiques de l’UE liés à l’Azerbaïdjan, notamment en matière énergétique. En quête de diversification pour réduire sa dépendance au gaz russe, l’UE a intensifié sa coopération avec l’Azerbaïdjan qui lui fournit du pétrole et du gaz naturel. À ce titre, avec la mise en place du projet de corridor gazier sud-européen, comprenant le gazoduc trans-adriatique qui achemine du gaz d'Azerbaïdjan vers l’Europe, Baku parvient à consolider sa position géopolitique sur le conflit. Cette dépendance énergétique limite donc la capacité de l’UE à critiquer ouvertement l’Azerbaïdjan, malgré les tensions dans le Haut-Karabakh et des violations de droits humaines. Les États Unis : politique oscillante et rôle des diasporas : Les États-Unis quant à eux adoptent une position plus ambiguë dans le conflit. D’une part, ils expriment un soutien moral à l’Arménie qui est largement influencé par une diaspora arménienne très active. Cette diaspora joue un rôle clé dans le lobbying auprès du Congrès pour des résolutions critiques envers l’Azerbaïdjan et la Turquie. Par exemple, des organisations comme l’Armenian National Committee of America ont réussi à faire adopter des résolutions condamnant les agressions de l’Azerbaïdjan et de la Turquie, appelant à la reconnaissance du génocide arménien et exigeant des sanctions contre les responsables des violences dans le Haut-Karabakh. D’autre part, les États Unis maintiennent des relations stratégiques avec l'Azerbaïdjan, notamment pour contrer l’influence russe et iranienne dans le Caucase. En tant que fournisseur alternatif d’énergie et partenaire sécuritaire dans le Caucase, l'Azerbaïdjan reste un allié clé dans la stratégie américaine. Washington privilégie alors une approche plutôt pragmatique, s’efforçant de maintenir un équilibre entre ses alliances sans pour autant prendre des mesures concrètes pour résoudre le conflit. Relations complexes entre Israël et Azerbaijan En entretenant une relation étroite avec l'Azerbaïdjan, Israël quant à elle joue un rôle majeur dans le règlement de ce conflit, renforçant la présence azéris sur la région. Les liens entre ces deux États concernent d’un côté une coopération énergétique et de l’autre côté une coopération militaire. En effet, l'Azerbaïdjan fournit environ 40% du pétrole en Israël. De l’autre côté, sur le plan militaire, Israël est un des principaux fournisseurs d’armes à Bakou. Entretenant de bonnes relations, l’Azerbaïdjan offre à Israël une position stratégique pour atteindre son ennemi absolu l’Iran, pays frontalier. L’Iran et ses inquiétudes vis-à-vis de la minorité azérie : Se retrouvant dans une position délicate, l’Iran soutient diplomatiquement l’Arménie dans un objectif de contrebalancer l’influence israélienne et turque en Azerbaïdjan. Abritant une large population azérie sur son propre territoire, l’Iran surveille avec inquiétude l’essor du nationalisme azéri. Téhéran craint que la montée en puissance de l’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie et Israël, ne galvanise les aspirations nationalistes de sa minorité azérie, menaçant ainsi son intégrité territoriale. Cette dynamique pousse l’Iran à adopter une position prudente, tout en renforçant sa présence militaire près des frontières pour contenir toute influence azérie croissante. III. Organisations internationales : des instruments limités face à un conflit multiforme A. L’OSCE et le Groupe de Minsk : des médiateurs inefficaces ? Après l’éclatement de la 1ère guerre au Haut Karabakh, la CSCE ancêtre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a été mandatée pour négocier un cessez-le-feu et trouver une solution diplomatique au conflit. C’est ainsi qu'a été créé le groupe de Minsk en 1992, co-présidé par la Russie, les Etats unis et la France[ 5 ]. Ce groupe incluait également d’autres États dont l’Allemagne, la Biélorussie, la Turquie ainsi que l'Arménie et l'Azerbaïdjan et se voulait comme médiateur neutre et multilatéral. Les éléments discutés par ce groupe étaient multiples et sont les suivants : Premièrement, le statut politique du Haut karabagh entre proposition d’autonomie ou d’indépendance; Le retrait des forces arméniennes dans les territoires adjacents au Haut karabagh pendant les années 90; Mais également le maintien de la paix et le respect du cessez le feu par une force internationale; Et enfin le retour des déplacés de guerres des deux parties. Ainsi, c’est à l’issu des discussions du groupe de Minsk qu’à été décidé le plan de paix de 1994 (aussi connu sous le nom du cessez-le-feu de Bichkek) qui a permis la suspension des hostilités lors de la 1ère guerre du Haut-karabagh en laissant le territoire sous contrôle arménien. Mais en réalité, il n’a fait que geler le conflit sans le résoudre. Ce cessez le feu sera complété par les propositions de Madrid de 2007 qui viennent rajouter certains points dont : Le retour progressif des territoires occupés à l’Azerbaïdjan; Une autonomie intérimaire pour le Haut-Karabagh; Un référendum pour déterminer le statut final de ce territoire contesté. Néanmoins, ces propositions successives n’ont pas permis de pacifier la situation du fait des nombreuses divergences entre les États membres du groupe. En effet, l’Azerbaïdjan exigeait un retrait préalable des forces arméniennes, mais l’Arménie insistait sur des garanties pour le statut du Haut-Karabagh avant tout retrait. Ainsi, plusieurs critiques ont été émises vis-à-vis du groupe de Minsk et à sa gestion du 1er conflit au Haut-Karabagh. Tout d’abord elles ont été le fruit d’un processus très long, près de 2 décennies de discussions sans résultats concrets. Ensuite, le manque de partialité des pays coprésidents, accusés d’avoir des intérêts stratégiques dans la région, plus particulièrement la Russie cherchant à renforcer son influence régionale en maintenant ce conflit gelé tout en jouant le rôle de médiateur et de fournisseur d'armes aux deux parties. En outre, l’OSCE n’a pas su imposer des mesures coercitives afin de respecter les cessez-le-feu et régler ce conflit, cela s’est traduit par des reprises périodiques des hostilités notamment en 2020 pendant la guerre des 44 jours mais aussi plus récemment en 2023. Cela démontre ainsi l’inefficacité du groupe de Minsk et in fine de l’OSCE dans la gestion du conflit entre l’Arménie et l'Azerbaïdjan. En effet, en 2020 c’est même la Russie qui se chargera de mener des négociations directes pour un cessez le feu entre les deux parties et non l’OSCE ce qui prouve davantage l’échec de cette organisation pour rétablir la paix dans le Caucase du sud. En 2022, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a même déclaré que les activités du Groupe de Minsk étaient suspendues à l'initiative des États-Unis et de la France pour cause de tensions entre les pays coprésidents du groupe[ 6 ]. B. L’ONU et ses résolutions sans effet concret : l'échec de l’ONU Depuis 1993, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté quatre résolutions concernant le conflit entre l’Arménie et l'Azerbaïdjan qui sont les résolutions 822, 853, 874, et 884. Ces dernières avaient pour seul porté de condamner les hostilités en cours en appelant au retrait des forces arméniennes des territoires autour du Haut-karabagh et d’encourager des négociations afin de mettre en place un cessez-le-feu immédiat. Par ailleurs, aucune de ces résolutions n’a permis d’aboutir à une solution pacifique au conflit. En effet, l’ONU a délégué le rôle principal de médiation à l’OSCE, via le Groupe de Minsk, ce qui a limité son implication directe dans les négociations et les efforts de résolution. Néanmoins, l’ONU par le biais de ses agences notamment le Haut Commissariat pour les réfugiés[ 7 ] (HCR) et le Programme alimentaire mondial[ 8 ] (PAM), a permis de fournir une assistance et une aide humanitaire aux réfugiés et aux déplacés internes des deux côtés du conflit. Bien qu’elle ait pris des positions officielles, son rôle actif à été paralyser par les divergences entre les États membres du conseil de sécurité notamment le Russie et les Etats unis ce qui empêcha le déploiement de missions de maintien de la paix dans la région. De plus, elle n’a imposé aucune sanctions ni exercé de pressions concrètes pour garantir l’application de ses résolutions ce qui a permis à la situation de perdurer et de reprendre à plusieurs reprises. Ainsi, la complexité de ce conflit de par l’implication de puissances régionales et internationales comme la Turquie ou la Russie a totalement entravé le rôle de l’ONU de garant de la paix dans le monde. En effet, L’ONU s’est simplement contenté d’encourager des négociations et de condamner les hostilités mais aussi d’agir sur le plan humanitaire via ses différentes agences. Conclusion Le Haut-Karabakh, au cœur d’enjeux stratégiques majeurs, est devenu un théâtre d’affrontements entre les intérêts des puissances régionales, révélant l’échec des instances internationales à garantir la sécurité et la paix dans cette région. La Russie, la Turquie et l’Iran ont instrumentalisé le conflit pour renforcer leur influence géopolitique, exacerbant les tensions et marginalisant les efforts diplomatiques multilatéraux. L’inefficacité des mécanismes internationaux comme le Groupe de Minsk, combinée à l’absence de consensus entre grandes puissances comme au sein du conseil de sécurité de l’ONU, a démontré les limites structurelles des organisations garantes de la paix face aux ambitions des acteurs locaux et globaux. Notes de bas de pages : RASIZADE, Alec. L’imbroglio du Karabakh : une perspective azérie (Traduit de l’anglais) Les Cahiers de l'Orient , 2011/1 N° 101, p. 83-96 Hart-UK. Nagorno-Karabakh: The Long-lasting Effects of Soviet Rule. [en ligne]. IMF. World Bank. Military Spending and GDP of Azerbaijan and Armenia . [en ligne]. UN Human Rights Office of the High Commissioner, « Mercenaries in and around the Nagorno-Karabakh conflict zone must be withdrawn– UN expert », Genève, 11 novembre 2020; Madjid Zerrouky, « Des mercenaires syriens, pressés par la misère, meurent par dizaines au Haut-Karabakh », Le Monde , 22 octobre 2020. OSCE. Minsk Group, Who we are. 2013. Az Vision, 2022. Le groupe de Minsk a suspendu ses activités- Lavrov. Vision Azerbaïdjanaise. ONU, 2023. Arméniens du Karabakh : le HCR se prépare à un éventuel exode de 120.000 personnes, 2023. ONU Info. ONU, 2023. Karabakh : des équipes de l’ONU aident les réfugiés à la frontière arménienne, ONU Info. Bibliographie disponible dans le PDF.



